Lorsque la proie devient le prédateur [PV Aghua]

Jusqu'à présent, Aemon n'avait eu que peu de défaites dans sa longue existence qui s'étendait sur huit décennies. Chacune était restée gravée dans sa mémoire car elles étaient à ses yeux des humiliations, humiliations qu'il avait par la suite faites payer à ces adversaires aussitôt qu'il avait été capable de les remettre à leur place. En effet, dans le genre têtu et persistant, le lycan est très doué.

Toujours obtenir ce qu'il voulait, par n'importe quel moyen c'était là un mode de vie qu'il avait adopté et qui fonctionnait très bien. Exilé de son propre clan, le lycan avait appris à ne compter que sur lui-même, alors dans ce monde où la nature est encore dominante, il devait suivre la loi de la jungle, celle du plus fort. Les plus puissants écrasent les faibles et se servent dans leur cadavre, jusqu'à ce qu'un autre vienne le détrôner, et ainsi va le cycle interminable du dominant dominé.

En ce jour, Aemon se trouvait en Oscura. Ces terres démoniaques avaient pour principe de ne pas accueillir amicalement des nocturnes. C'était donc avec une extrême prudence qu'il s'y aventurait, simplement pour passer le temps. Quoique cette fois-ci, il était sur la piste d'un gros gibier, un gibier qu'il avait repéré depuis un certain temps parce qu'il avait une odeur qu'il n'avait jamais senti nulle part sur Erotica. La curiosité poussée vers ses limites, il suivait sans relâche la chose sans savoir à quoi elle correspondait. Etait-ce une bête féroce, un monstre, ou bien encore un vampyr qui aurait un sang à l'odeur particulière? Toutes les possibilités étaient ouvertes. Hélas, il ne devait faire confiance qu'à son nez et qu'à certains indices qui laissaient supposer un passage récent.

Le lycan avait comme l'impression d'avoir à faire à une personne qui ne se nourrissait même pas, à moins qu'elle ait des provisions. Bref, dans les plaines arides, il évoluait le plus souvent de nuit pour se reposer le jour à l'abri des regards. Atteindre la proie pendant qu'elle dort est toujours plus profitable. Pourtant, sa patience également commençait à s'effriter et au bout d'un moment, il commença à adopter le rythme de vie de la cible. Vivre de jour et courir sans relâche. Le pire était qu'il semblait avoir perdu sa piste. Cela le mettait en rogne de manière inimaginable.

Et donc le voilà à trainer des pieds sur le sol poussiéreux et sans vie. Qui pouvait vivre dans ce coin, il n'y avait que de rares maigres bestioles pour se nourrir, c'était déprimant à la fin. Au final, le lycan termina contre un rocher, adossé contre lui en train de ruminer de sombres pensées. Alors c'était comme ça? Il ne parvenait même plus à courser une proie? Ses yeux rouges étaient amplis de colère, mais il était impuissant actuellement, à moins que la chose recherchée n'apparaisse d'un coup devant lui.

- Mais qu'est c'que j'fous là moi ?

Mais qu'est ce qu'elle foutait là ? Qu'est ce qui lui avait pris de s'engager dans le désert ? Elle, une créature faite d'eau, sous un soleil de plomb, sans une seule goutte à plusieurs kilomètres à la ronde. Si pareil endroit était déjà mortel pour la plupart des êtres vivants, il l'était davantage encore pour Aghua. L'eau de son corps s'évaporait en permanence, faisant élever une fine brume de condensation à la surface de sa peau. Si elle n'avait pas été assez intelligente, la Slime serait morte en quelques jours à peine. Mais c'était sans compter sur sa volonté de vivre : Les animaux du déserts, si petits fussent-ils, furent salvateurs. Elle savait que les corps vivants, les corps des bêtes, étaient constitués en grande majorité d'eau. En leur coupant les veines, elle absorbait leurs fluide vital, faisant sienne leur eau, siphonnant leur vie. Elle n'était pas une vampyr, mais il fallait bien survivre d'une manière ou d'une autre. Peu à peu, son corps avait pris une teinte rougeatre, d'abord douce, orangée, pour finalement devenir franchement écarlate. Avant de les vider de leur sang, Aghua n'oubliait évidemment pas de leur soutirer leur semence, quand c'était possible. Cela s'avérait d'autant plus facile que les bêtes n'avaient besoin que de faibles excitations sexuelles pour envoyer la purée... Bien sûr, c'était beaucoup moins amusant qu'avec des gens, mais faute de mieux, la dame d'eau devait bien s'en contenter.

Aghua était totalement inconsciente du prédateur qui la poursuivait. Malgré le fait qu'elle souffre du climat, elle ne s'arrêtait jamais pour se reposer, seulement pour se nourrir et se réhydrater. N'ayant aucun organe, elle n'avait pas réellement besoin de se reposer, seul le carburant lui permettant d'exister et d'agir. Piégée dans le désert, chaque seconde de gagner était salvatrice. Logique, donc qu'Aemon ne la rattrape pas.

Pourtant, ils finirent par tomber nez à nez. Aghua - comme la plupart des filles, d'ailleurs - disposait d'un sens de l'orientation des plus limités. Alors même qu'elle croyait marcher droit, la pauvrette avait tourné en rond un petit moment. Au terme d'un de ces zigzagues, la Slime se retrouvait en haut d'un amas rocheux. Toute mouillée qu'elle l'était, la femme aqueuse glissa... forcément. Par réflexe, elle se mit en boule - littéralement - rebondissant comme une balle avant de s'éclater juste devant Aemon dans un gros SPLASH sonore. Reprenant forme, le corps plantureux de la Slime sortit de cette masse d'eau, comme si elle avait été mise sur une plate-forme, qui s'élevait. Regardant le lycan, elle ne put s'empêcher un de rougir - même si on ne pouvait le deviner, écarlate comme elle l'était - avant de bégayer un : Bon...bonjour.

Voici donc le résumé de la situation: Aemon, dans sa grande solitude, avait décidé de poursuivre quelqu'un ou quelque chose sur plus de dix kilomètres, en se nourrissant de ce qui lui tombait sous la main, à savoir des herbes quelconques et peu nourrissantes. Si il avait mieux observé, il aurait remarqué quelques cadavres par ci par là dont le sang avait été drainé sans ménagement. Toutefois, absorbé par son unique objectif, il avait négligé ce genre de détail pour se concentrer entièrement sur le pistage. Son nez ne lui avait jusqu'alors jamais fait défaut et ce n'était surement pas aujourd'hui qu'il allait commencer. Ce gibier spécial, voir unique dans son genre, devait être un spécimen qu'on ne rencontrait qu'une fois sur dix vies. Il ne savait pas ce que c'était, mais l'inconnu ne l'intriguait que d'avantage.

Toutefois, malgré tous les efforts déployés après s'être profondément enfoncé dans un domaine hostile, Aemon s'était heurté à un obstacle. Ce dernier relevait d'avantage de la logique à vrai dire. La chose semblait tourner en rond, ce qui n'avait aucun sens. Jugeant sa proie trop maline pour avoir ce genre de comportement, le lycan remettait en question son odorat. Après avoir effectué plusieurs tests, il était arrivé à la conclusion que son nez ne lui jouait pas là des tours et donc que sa proie était vraiment... étrange.

Assis à l'abri des regards contre un rocher, le lycan réfléchissait activement. Ne connaissant pas la nature de la cible, il fallait s'attendre à tout. Toutes les possibilités étaient envisageables, toutes, même celle de voir la proie lui tomber sous le nez, offerte sur un plateau doré. C'est ce qui arriva. Une boule rouge écarlate s'écrasa en flaque non loin de lui. Immédiatement, le nocturne s'était redressé, les poings levés. Avec le temps, il avait appris à ne faire confiance qu'à ces seules armes. Il les avait forgé pour qu'une droite puisse détruire n'importe quel adversaire ou obstacle, comme ce rocher derrière lui par exemple.

Les yeux rouges du lycan regardaient vers le haut pour essayer d'entrapercevoir la personne qui lui avait lancé cette boule bizarre. Cette dernière se mit à bouger à son plus grand étonnement, prenant l'apparence d'une femme aux courbes et aux formes scandaleuses. Le plus étrange, à vrai dire, était la constitution translucide de son corps au travers duquel il pouvait voir par endroit. Ainsi donc, son nez avait raison, une proie de choix. Du sang mélangé, toute sorte de sang la composait. Pas l'air dangereuse pour un sous, elle lui adressa même un "bonjour" qui acheva de le déstabiliser.

*Euh quoi c'est tout? Elle se fout de moi là... Je la suis depuis des jours et elle me sort "bonjour"? *
"Tu vas voir toi..."

Furieux (pour rien, il faut bien l'admettre), le lycan prit une posture agressive. Qu'importe qu'elle soit chose ou femme, qu'importe ses motivations, et qu'importe ces formes de rêve qui en feraient craquer plus d'un, elle allait passer un mauvais quart d'heure. Quasiment à son niveau, le lycan balançait déjà son poing destructeur à toute allure en direction de sa poitrine rougeâtre.

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