Une rencontre bien apprécié. [Cero]

Une sombre journée. Les nuages étaient noirs et compacts, une averse glaciale et ininterrompue tombait sur les terres d'Ariana. A l'abri d'une de mes calèches, je me rendais chez un seigneur local. Celui-ci n'était pas bien puissant, ni même influent, mais son argent valait le détour. Et puis, toute aide était le bienvenue lorsque l'on tentait de s'inscrire dans l'histoire d'un monde... Mon dessein était si simpliste, et pourtant si complexe : mon avènement en tant que Divinité. Oui, je ne devais pas être le seul à aspirer à cet idéal... mais combien avaient-ils seulement le dixième de ma puissance et de ma volonté ? Tous n'étaient qu'insectes ridicules, courant et larmoyant après une chimère. Moi, j'étais spécial. Beau, charismatique et fort. Présomption ? Non, réalité ! J'étais né pour gouverner. Ma condition d'Archdémon était déjà un indice. Ma place parmi la haute caste des Démons un second. Rien ne résistait à mon ambition... Un jour, je serai au-dessus de tout !

Les pavés inégaux faisaient du remous dans la carriole, occupé avec mes courtisanes, ces rebonds incessants m'entravaient dans mes petits jeux. Énervé par ces interruptions intempestives, je renvoyais les quatre donzelles dans leur suite, ouvrant les rideaux et passant mon regard sous les façades humides de la ville. Au loin, une seule silhouette se détachait, seule âme stupide à braver l'eau, si désagréable. Seul élément mobile dans ce triste paysage, je m'attardais dessus. Je vis alors ses contours de femme. Ma foi, rare était les fois où une jeune femme m'avait extirpé mes appétits comme elle. Indiquant qu'on arrête la caravane, j'envoyai un domestique la chercher. La beauté d'une femme était toujours utile lors de tractation... Je venais peut-être de m'offrir une arme de prestige. A moins que je me trompais-je ?

-Que me vaut votre invitation cher monsieur?

Le côcher et la frêle créature arrivaient enfin. Mon doigt tapotant mon visage, je tentais de jauger la délicieuse créature alors qu'elle montait et s'installait confortablement dans mes appartements de voyage. Elle ne semblait pas le moins du monde mal à l'aise. Se faire ainsi accoster dans la rue, par un homme aussi étrange que lui - borgne et l'air mauvais - ne lui enlevait pas son sourire. Deux propositions sautèrent aux yeux de l'Archidémon : soit elle était totalement stupide, finalement ; soit elle était empreinte de suffisance et sûre de sa puissance. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, j'eus ma certitude : elle était sûre d'elle. Alors que ses lèvres débitaient des imbécilités, je lisais en ses pensées son envie de provoquer. Innocente créature... cela me plaisait. D'un claquement de doigts, les servantes s'approchèrent d'elle et vinrent l'essuyer, lui portant des vêtements secs, de hautes qualités. Ma main soutenant toujours ma tête d'un air nonchalant, ma voix basse et profonde proféra mes premiers mots :

"Bonsoir démone. Je me rends à un dîner très important pour ma carrière... et j'ai absolument besoin d'une cavalière resplendissante. Soyez heureuse, vous avez été choisie."

Le ton était doux, sans animosité. Une petite touche hautaine, peut-être. Mais il était toujours si sur de lui, après tout. Mon œil bleuté, froid comme une lame, transperçait son corps, scrutant chacun de ses mouvements. Personne ne savait que je pouvais lire les pensées... mais encore moins d'individu avaient eut vent de mon don pour l'observation. Inscrivant dans ma mémoire chacune de ses réactions, je lui laissais le temps de s'habiller. Si elle le souhaitait, un cache était dressé dans le coin de la caravane, loin de tous les regards non désirés.

-Et bien, j'en suis honoré mon cher.

-Sa sera avec un plaisir immense que de vous accompagné.

Quelle étonnante créature sans pudeur. Malgré ma proposition, je la vis se changer devant moi. Avec délectation, mon œil scruta ses rondeurs. Les servantes l'essuyaient consciencieusement, avant d'enfiler les montagnes de tissus sur ce corps svelte et appétissant. Une fois habillées, parées d'or et de bijoux et coiffée d'une noble manière, elle fût totalement resplendissante. A sa réponse affirmative, je lui souris, dévoilant mes longues canines blanches d'archdémon. Mes yeux pétillaient d'une joie profonde, je savais qu'avec elle, ce souper serait une formalité. Le nobliau m'accorderait ce que je voudrais, sans hésitation. Je restais mû dans mes pensées les derniers instants qui nous séparèrent de l'adresse de notre hôte d'un soir. Enfin, nous arrivions à destination. La porte de la calèche s'ouvrit sur un large escalier de pierre, nous permettant d'entrée dans le château. Tendant mon bras à la démone, nous passions cet obstacle de roche afin de nous abriter dans ce large château. Un vieux domestique nous montra la voie. Alors que nous arpentions les couloirs, je lui dis à voix basse :

"Appelle-moi Maître, ici... Et bien que je n'en aille pas l'habitude... Comment dois-je te nommer ?"

» Cero, Archdémon du Pouvoir
» A qui veut bien de moi ;)
» Une nuit bien mouvementée