Petite entrevue entre deux honnêtes conspirateurs [PV]

Dans l'esprit de l'Hospitalier, un complot n'était qu'une session diplomatique entre quatre yeux, il se donnait donc la peine de donner toutes les preuves de bonne volonté qu'impliquent la diplomatie, de sa bonne volonté. Cela entendait de se présenter sans garde ni armure.
Voila comment le baron se retrouva à patauger dans la boue, cherchant parmi toutes ces demeures ne présentant à ses yeux aucune différence, celle qui appartenait à son hôte.
Il finit par remarquer une maison qui, à la réflexion, était plus blanche que les autres et se dirigea vers elle d'un pas décidé, ne prenant pas garde à l'elf posté devant, les membres de la race en question avaient une sorte de don de transparances aux yeux du baron. Il daigna tout de même s'arrêter, l'elf en question s'appuyant sur la porte de la demeure.
Etant d'une demeure diplomate, Aaron salua machinalement le guetteur, presque honteux de son réflexe après coup et s'adressa à lui d'un ton ferme.

"J'ai affaire en cette demeure, daignez céder le passage je vous prie."

La tenue de son interlocuteur lui rappelait celle d'un bandit, mais même un bandit aura moins tendance à vous agacer si vous êtes poli avec lui.

Valens avait attendu relativement longtemps, car son Général avait visé large au niveau de l'heure du rendez-vous... Les gens qui arrivaient en avance, ça existait aussi. Et lorsqu'il n'y avait personne pour les acceuillir quand ils pointaient le bout de leur nez, ça fichait une bonne part du dispositif quand même. Alors maintenant il prévoyait une bonne fourchette pour la mise en place du truc. Aucun passant ne s'était étonné de cet Elfe qui restait quasi-immobile, appuyé contre la porte, bougeant peut-être juste un peu, de temps en temps, pour garder ses muscles prêts à servir. Même à Mille-Étoiles, il vallait mieux se mêler de ses propres affaires, dans cette partie des quartiers populaires, si on ne voulait pas se retrouver avec une tête en moins ou une dague en plus quelque part sur le corps... Sans compter qu'on y voyait des choses plus intéressante que ce spectacle-là.

Il fallait bien dire que bien peu de gens, même et surtout les nobles, auraient reconnu dans cet homme nochalament appuié contre la porte pour attendre et surveiller l'officier Valens Ingévil de la garde personnelle du Général Ulvilienne. Bon, bien sûr, si un noble était venu par extrordinaire à passer par ici, il n'aurait sans doutes pas accordé plus d'un regard distrait au supposé brigand qui se trouvait là, ce qui aidait probablement un peu. C'était un homme sûr, vétéran de nombreuses guerres, et sa lame avait goûté le sang de plus d'un ennemi. Il avait gagné son rang à la force de son poignet, par les armes, et avait une fidélité absolue à son chef, qui lui avait sauvé la vie et l'avait élevé dans la hiérarchie militaire sans poser de question sur ses origines modestes, voir même douteuses...

Ce fût donc après un long moment d'attente que l'Elfe vit arriver vers lui un homme, visiblement un non-Elfe. Un homme qui semblait décidé... Ce n'était quand même pas lui qu'il attendait, si ? Il n'avait pas de garde ni d'escorte, ni même d'armure pour compenser sa faiblesse, s'il était bien l'Hospitalier qu'on lui avait annoncé... D'accord, la discretion était de mise, mais quand même, une petite bande armée n'aurait pas attiré l'attention en ces lieux...

"J'ai affaire en cette demeure, daignez céder le passage je vous prie."

Bon, ben visiblement si, c'était bien lui... Ah, ces Lycans ! Les Hospitaliers, avec leur obsession de l'honneur, lui avaient paru un brin plus sensé, mais visiblement s'ils l'étaient « plus » ça ne faisait pas tant quand ça tout de même. Si ce n'était pas un imposteur ou un importunt, quelle idée de venir sans escorte ! Le faire disparaître eu été si facile...

« Messire Baron... »

Polit, avant tout, il inclina légèrement la tête. Tout acte aillant un but, la mention du titre de son supposé interlocuteur n'était pas innocente, comme une preuve pas trop compromettant au cas où qu'il était bien au bon endroit et devant le bon interlocuteur.

« Seul une seule personne a véritablement des affaires à régler ici ce jour, aussi suis-je forcé, avant de vous laisser entrer, de vous demander votre nom, et celui de la personne que vous venez voir en ces lieux... »

Techniquement, le Général était sensé l'avoir prévenu qu'on lui demanderait son identité avant de l'introduir en sa présence... Et si ce n'était pas le cas, il ne fallait pas beaucoup d'intelligence pour se rendre compte qu'il y avait tout intérêt à s'exécuter tout de même, surtout alors que Valens avait fournit d'ouverture une preuve qu'il savait à qui il avait potentiellement affaire...

Visiblement, ce qu'il avait initialement pris pour un brigand était en fait un garde du général... ou un espion à le solde d'un tiers. Le général lui avait bien expliqué qu'il faudrait révéler son identité, ce que le baron avait du mal à associer avec un soucis de discrétion, un intrus pouvait aisément remplacer l'un des gardes pour obtenir des informations compromettantes, sans qu'il ne puisse rien faire pour prévenir la situation.
Bien entendu, Aaron ne connaissait pas bien la façon de faire elfique. Mais il ne comptait pas désobéir au général, qui en toute logique, était quelqu'un de bien plus important que lui et qui daignait le recevoir ; mais d'autres précautions s'imposaient à l'esprit paranoïaque de l'Hospitalier.

J'aimerais avant tout votre nom si vous me permettez, je répondrai ensuite avec plaisir à votre question.

Evidemment, le nom ne disait rien au baron, les obstacles potentiels à l'officier elfique ne viendraient pas eux-même pour une telle tâche, mais au moins, il pourrait laver la traitrise dans le sang, voir même remonter aux employeurs si jamais l'entrevue venait à s'ébruiter. Tout un programme, et particulièrement tachant qui plus est. Mais le garde ayant répondu, il tint sa parole à son tour.

Je me nomme Aaron Kessinger et ai l'honneur d'être invité par le Général Calarenne Ulvilienne.

Tous ces palabres distrayaient l'Hospitalier de l'entrevue à venir, ce qui n'avait tendance qu'à l'énerver. Il souffla sur une mèche pour l'écarter de son visage, attendant que le garde lui laisse le passage. Mais il n'avait pas encore abandonné l'idée que ce soit un espion, qui, devant les faibles protections du baron, pourrait vouloir prendre des initiatives et le passer à trépas, c'est pourquoi il gardait la main négligemment posée sur le pommeau de son épée afin de la dégainer rapidement si une parade s'imposait.

Visiblement moins imprudent que ne le laissait supposé son arrivée, sans aucune garde ni protection, le supposé Hospitalier lui demanda de lui fournir d‘abord son propre nom. Pour ce qu‘il pouvait lui servir, Valens, dans un réflexe hérité de son enfance tumultueuse, lui en donna un faux. Après tout, l‘autre ne pouvait pas savoir qu‘il lui mentait et, au cas où il serait finalement un traître, le fait qu‘il ne connaisse pas sa véritable identité pourrait lui permettre d‘éviter de prendre le poignard d‘un assassin dans les côtes. Bien sûr, ces fanatiques de la Déesse de la Terre passaient pour des gens honorables, jusqu‘à l‘obsession même, mais mieux valait ne pas se fonder sur une réputation : elle pouvait se révéler fausse, ou bien non-générale… Il suffisait d‘un être sournois, après tout, et celui qui lui faisait face pouvait très bien être celui là, pour ce qu‘il en savait… Il ne laissa pourtant rien paraître de ses pensées en attendant que son interlocuteur réponde finalement.

« Je me nomme Aaron Kessinger et ai l'honneur d'être invité par le Général Calarenne Ulvilienne. »

L’officier hocha la tête avec satisfaction. Aaron Kessinger. C’était bien le nom annoncé, et il venait voir la bonne personne. Avec un léger sourire, il se décolla de la porte robuste où il s’était appuié.

« Alors vous êtes bien celui que j’attendais, Baron Kessinger. Veuillez me suivre, je vais vous conduire jusqu’au Général. »

Et, avec un léger salut de la tête, il se détourna, ouvrit le battant de chêne solide renforcé d‘acier et pénétra dans le bâtiment, confiant dans le fait que le Lycan le suivrait. Il passa devant les quatre gardes, armés d‘arcs, de flèches, d‘épées et de coutelas, drapés dans leur digne silence elfique. Deux tenaient leurs arcs prêts, les aillant levé à l‘ouverture de la porte, et les deux autres avaient leurs épées dégainés. Valens leur fit un signe discret au passage et ils abaissèrent légèrement leurs armes, assez pour indiquer un certain respect, mais tout de même pas au point de ne pouvoir le percer en plusieurs endroits s‘il tentait la moindre trahison. La confiance était une denrée que les Elfes, et tous particulièrement ceux dans leur genre, possédaient en bien petite quantité… En supposant qu‘ils en possèdent, bien sûr.

L‘officier continua son chemin dans le corridor qui s‘ouvrait derrière l‘entrée, garnis de chaque côté de portes assez semblables à la première, et au bout d‘un escalier de bois montant dans les étages. Ce n‘était clairement pas une maison fait pour être agréable, mais plutôt une sorte de caserne discrète. Après tout, elle avait été aménagée pour des militaires, par eux-mêmes, et pas dans le but de recevoir d‘autres visites que celle qui était en court. Bien peu de faste était nécessaire dans de telles situations. La sécurité était préférable, et elle était assurée, entre autre, par les hommes qui se trouvaient derrière la plupart de ces portes, leurs armes à portée de main, se livrant à divers activités. Entre autre. La plupart des mesures sécuritaires n‘étaient pas spécialement faites pour qu‘on les voies, en fait…

Valens s‘arrêta devant la cinquième porte de droite, car elles ne se faisaient pas face d‘un côté à l‘autre. Rien ne la différenciait des autres, affin qu‘un groupe armée réussissant à entrer ne puisse pas la reconnaître d‘un coup d‘œil, mais c‘était derrière elle que ce trouvait son chef. Il toqua selon un code convenu à l‘avance ce matin-là et la porte fût ouverte par un de ses confrères, il fit signe à Aaron de le suivre et entra dans la pièce, se rangeant à gauche tandis que celui qui lui avait ouvert en faisait de même à droite dans l‘alignement de la porte, deux autres Elfes abaissaient les arbalètes qu‘ils avaient pointés sur la porte au premier bruit de l‘autre côté du battant… Il fallait bien le dire, Calarenne avait un léger côté paranoïaque quand il organisait des rencontres ici. Toute personne ouvrant la porte d‘elle-même se serait prit deux carreaux dans le corps en premier lieu et aurait pu s‘expliquer après… Dans l‘invraisemblable possibilité où elle aurait survécu.

« Messire, je vous prie de bien vouloir vous donner la peine... »

Et, en face de lui, l’autre officier, aux cheveux bruns celui-là, claqua des talons et annonça formellement, quoi que d’une voix au volume normal :

« Sa Seigneurie, le Baron non-régnant Aaron Kessinger de Morneplaine, chef de la milice de Morneplaine, frère de la Baronne régnante.

Devant le susnommé Hospitalier s’ouvrait une pièce relativement plus accueillante que le corridor, malgré les deux soldats aux yeux vifs qui tenaient toujours la main sur leurs arbalètes baissées, juste au cas où. Elle était décorée de tapisserie sobre, mais tout de même belles et semblant gardée une certaine chaleur, au même titre que les fourrures qui recouvraient le sol. Seul un coin était visiblement de la porte, et il fallait se tourner, une fois celle-ci franchie, du côté dépourvu de mur, pour trouver le bureau du Général elfique, devant lequel se trouvaient deux chaises martiales mais assez confortable. Calarenne lui-même se tenait derrière le dit bureau, en bois sombre, assis dans un fauteuil dans le même style, spartiate mais fait pour que sa puissante carasse puisse se caler dedans sans trop de peine. Il tournait le dos à une large cheminée surmontée de deux épées croisées, où un doux feu brûlait, et était entouré, le long des deux derniers murs de la pièce, d’un côté par une bibliothèque remplie de livre, de l’autre par une armoire qui, derrière son air sévère, cachait une belle collection de bouteilles. À chaque rencontre ses agréments…